Au-delà de leur médium de prédilection commun, Moridja Kitenge Banza et Marie-Danielle Duval travaillent tous deux à l‘élaboration de multiples narrations au travers du récit. De prime abord, leurs pratiques respectives s‘alignent énormément quant aux couleurs utilisées, c'est toutefois en discutant avec les deux artistes que l‘on comprend la profondeur de leurs personnages et les points de rencontre de leurs œuvres. À travers leurs explorations artistiques, Moridja Kitenge Banza et Marie-Danielle Duval réinventent et réinterprètent des récits puissants qui touchent à l'essence de l'identité et de la mémoire collective.
Je ne suis pas une femme. Je suis un poisson dormeur. Je suis un
poisson tout noir, vêtu de blanc. Mon corps contraste avec la
blancheur immaculée de ma robe, chaque maille tricotée évoquant des
écailles.
Cette parure, assortie à l'évier, aux draps, aux murs, aux
chaussures, et même à mon sourire affecté, crée un contraste qui
souligne ma beauté obscure, tout en servant de diversion. Mascarade
pour les autres, mais surtout pour moi-même.
Poisson immobile, je restreins mes respirations, mimant l'inertie
pour échapper aux prédateurs ou attirer les proies sans éveiller de
soupçons. Sous la lumière, des reflets bleutés dans le blanc
évoquent des souvenirs indésirables, me rappelant un passé que je
préférerais oublier.
Je ne suis pas une femme, mais une écrevisse. Mes pinces brandies,
je projette une force que je ne possède pas, pour gagner un amour
qui m’a été refusé. Sans le vouloir, j'ai fait des blessés.
J’ai continué de retenir mon souffle et de feindre la force par
intermittence, jusqu’à ce que la culpabilité soit si grande que je
ne savais plus si j’étais victime ou coupable dans cette histoire.
J’avais besoin de nuances. Je ne suis pas une femme, je suis une
enfant. Entre deux mondes, intérieur et extérieur, terre et mer,
aujourd'hui et hier. Je continuerai de régresser, plongeant toujours
plus profondément, jusqu'à ce que je me décide à dire ma vérité. Je
ne peux pas réparer, mais je peux raconter.
Texte par Marie-Danielle Duval, inspiré par Lula Ann
Bridewell(Bride), personnage fictif du roman Délivrances de Toni
Morrison.
Rajni Perera et Vladim Vilain sont deux artistes qui interrogent et redéfinissent les notions de temps, d'identité et d'histoire à travers leurs œuvres. D‘un côté, Vilain s‘intéresse aux récits liés au vaudou haïtien et aux possibilités qui s‘y attachent tandis que Perera explore la fusion de la science-fiction et de l‘histoire liée à la migration.
Eve Tagny et My-Van Dam explorent toutes deux divers médiums artistiques, allant de la photographie à l'installation, en passant par la performance et la vidéo. Tagny accorde une attention particulière aux lieux, créant des périmètres délimités pour chaque œuvre ou installation, conçues de manière in situ, les rendant uniques et spécifiques à leur lieu de production. De son côté, Dam, issue d'un parcours sculptural, explore les processus de guérison, la mémoire et les traumas intergénérationnels. Bien que le corps ait toujours été central dans sa pratique, son nouveau corpus d'œuvres met l'accent sur le potentiel de guérison du geste.